Après les sorties successives de deux albums-concept, “Spoken Dub Manifesto” et son pléthore d’invités prestigieux en 2006 et le fabuleux patchwork sonore que fut « Short cuts » en 2008, Brain Damage revient en ce début d’année avec « Burning Before Sunset », son cinquième opus. Ce dernier marque le grand retour des stéphanois vers un dub ambient, chargé d’émotions sombres et mélancoliques. Une science du son proche de l’alchimie. Pour autant, cet album – loin du dub anglo jamaïcain époque « Ashes to Ashes Dub to Dub » – prend une fois de plus à contre pied tout ce que Brain Damage a pu proposer par le passé. Si l’ensemble des titres peuvent paraître aux yeux du néophyte construit sur des schémas proches, des assemblages quasi robotiques, force est de constater que le pari de Martin et Raphaël est une fois de plus relevé et que les fans retrouveront forcément quelques réminiscences de la première époque.
Le son, principalement basé sur une nonchalante rythmique dub que l’on reconnaît dès le premier kick, devient matière première d’un ensemble brut et indivisible, emprunt d’une énergie sourde et lancinante. La juxtaposition des nappes, tour à tour extatiques ou guerrières, confère à l’album une ambiance de plomb, qui ne desserrera guère son étreinte jusqu’à la dernière seconde. Preuve en est, l’indissoluble “Ignore”, où synthés, bruits d’eau et autres grincements se mêlent puis se confondent pour former une boucle hypnotique, croissante et indéfectible, ou “Only lost in the sound” véritable descente dans des abîmes blafardes et mystiques. Pour autant chaque titre révèle un pouvoir émotionnel inaltérable (le merveilleux “Plain White Butterly”), racontant des histoires singulières qui finissent par se rejoindre en cet endroit béni vers lequel seule la musique est capable de conduire : les tripes et le coeur. Côté invités, le poète Black Sifichi s’impose comme orateur particulier et immuable, formant à juste titre l’ultime protagoniste du groupe. Fidèle à son art inégalé de déclamer ses textes de sa voix charismatique, cette dernière colle parfaitement à l’univers émotionnel de “Burning Before Sunset”, livrant ça et là quelques bribes de textes énigmatiques d’une beauté rarement atteinte. Si bien que ce cinquième album constitue sans nul doute une pièce fondamentale dans la discographie de Brain Damage, démontrant une fois encore la volonté farouche du duo de ne jamais se répéter.